Edward Steichen, Une influence globale

La recherche de la créativité est un défi à chaque étape d’une carrière. Nous prendrons comme exemple la démarche créatrice d’Edward Steichen pour l’illustrer. Durant toute sa vie professionnelle de photographe, il a su renouveler ses inspirations. Nous verrons aussi comment l’influence de ses contemporains l’aide à faire avancer sa vision artistique à travers l’analyse du cursus photographique de son œuvre et de ses contemporains qui ont marqué l’époque. A ce jour, nous sommes influencés par des choix esthétiques qui prévalent dans le quotidien des photographes qui nous ont précédés.

Steichen a eu une très longue et productive carrière de photographe, avec de nombreux types d’implication professionnelle, beaucoup d’initiatives marquantes, et d’implication sociale.

Son influence reste encore aujourd’hui incontournable dans l’histoire de la photographie

Tout au cours de sa vie, la relation professionnelle qu’il a maintenu avec Alfred Stieglitz a marqué sa progression et les implications qui ont guidé ses actions.

Cette discussion est basée sur la revue des photographies marquantes de ces deux piliers indissociables de l’histoire de la photographie en Amérique du Nord. Ensemble, ils ont maintenu un pont artistique constant entre les tendances européennes et nord-américaines, autant par leur éducation de jeunesse que par le réseau d’influence qu’ils ont maintenu durant toutes leurs vies.

Alfred Stieglitz

Alfred Stieglitz (1864 – 1946), né au New Jersey, fils d’un immigrant juif allemand.

La photographie me fascine, initialement comme un jouet, puis comme une passion et enfin comme une obsession.

Il passe ses années formatives en Allemagne et pratique la photographie, publie des articles sur les aspects technique et esthétique dans des magazines. Il gagne le premier prix en 1887 pour sa photo The last joke, Bellagio et plusieurs autres par la suite.

S’installe à New York en 1890, se défini comme artiste, mais refuse de vendre ses photos.

1892 : acquière une caméra portable (Folmer & Schwing, format 4 x 5), utilisable à l’extérieur et sans trépied. Il produit 2 de ses meilleures photos : Hiver, 5e Avenue et Le terminal

Folmer & Schwing, format 4 x 5

1894 : Canal vénicien, The Net Mender, un jour humide sur le boulevard à Paris

1894 : en Europe, rencontre les photographes Robert Demachy, George Davison, Alfred Horsley Hinton, avec qui il établit des relations durables

1897 : crée « Camera Notes » à New York, sous forme de magazine, rapidement reconnu comme le magazine photographique artistique le plus renommé au monde, pour la qualité de ses impressions.

1899 : exposition à Munich en partenariat avec Edvard Munch et Henri de Toulouse-Lautrec, qu’on appelle les « Sécessionistes »

Les photo-sécessionistes (inspiré des photographes de Munich) : « Nous recherchons la vérité ultime. Nous croyons qu’il faut enseigner aux gens comment apprécier la beauté qui les entoure en tout temps dans leur quotidien. Car la beauté est la vérité ultime, et que la vérité, c’est la liberté. »

1902 : Crée « Camera Work », avec des standards d’impression très élevés

1905 : Gallérie « Little Galleries of the Photo-Secession “ ouvre sur la 5e Avenue, avec l’aide de ES. Succès instantané, avec $2,800 de vente la première année, dont la moitié des photos de ES.

1907 : collabore avec un projet expérimental avec  Clarence H. White. Photographie de models habillés et nus, imprimés avec une grande variété de techniques, une façon de compenser les limitations de la caméra, selon Stieglitz.

Il a tissé des liens avec Hermann Wihelm Vogel, l’inventeur du film orthochromatique durant ses voyages en Allemagne. Il sera parmi les premiers aux États-Unis, avec ES à utiliser la photographie couleur.

1907 L’Entrepont d’Alfred Stieglitz

L’entrepont, image iconique du XXe siècle

Lors d’une traversé vers l’Europe, il remarque un jeune homme coiffé d’un canotier, la cheminée qui penche vers la gauche, la passerelle blanche avec ses chaînes, les bretelles blanches croisées d’un homme du pont de 3e classe.

La photo la plus connue d’AS, reflétant par anticipation de l’esthétique de la Nouvelle Objectivité. Il a été très influencé par ses années d’étude en Allemagne.

Cette photo n’est pas dans le courant de la forte immigration européenne vers les États-Unis du début du siècle. Car les voyageurs regardent dans la direction inverse (ils regardent vers l’arrière), ce sont des oiseaux migrateurs pratiquant le tourisme. La fascination qu’il éprouve pour les contrastes, les formes et les structures lui fait totalement occulter les implications humaines

AS a mentionné que la photographie était sa passion, la quête de la vérité, son obsession. Il ignore le volet documentaire, politique et social de ses images. Il cherche l’équilibre, l’harmonie et l’esthétique d’une image. Il désire une nouvelle esthétique par l’usage de la photographie. Il cherche un art nouveau.

1908 : présente au Camera Club les dessins d’Auguste Rodin

1910 : opposition contre Stieglitz s’intensifie :  sa vision de la photo-sécession est trop restrictive, elle devient une force réactionnaire qui empêche l’innovation et le renouveau

1912 : publie les œuvres de Matisse et Picasso dans Camera Work

1914 : Crée le magazine et la gallérie « 291 », un nouveau projet pour relancer son inspiration, dans le but de refléter la culture de l’avant-garde.

AS commence à comprendre que les valeurs esthétiques du pictorialisme ne correspondent plus aux inspirations de la peinture et la sculpture de l’Avant-Garde et qu’il faudra faire avancer la photographie différemment.

1915 : Paul Strand présente une nouvelle vision photographique, axée sur les formes du quotidien. Il établie une relation à long-terme avec Strand.

1918 – 1924 Rencontre de l’artiste peintre Georgia O’Keeffe

Rencontre de l’âme-soeur

Vie houleuse, divorce difficile, obnubilé par le contact avec les jeunes filles qu’il utilise comme ses muses comme sources d’inspiration.

1922 Exposition  “Music – A Sequence of Ten Cloud Photographs” , photo de nuages produits pendant une période de 10 ans, reconnus comme les premières photos intentionnellement abstraites de l’histoire de la photographie.

1922  S’intéresse au travail d’Edward Weston, photographe innovateur intéressé par l’abstraction des formes. 1936 : organise une exposition pour Ansel Adams à New York. Première étape pour Adams pour rejoindre le grand public qui lui avait échappé à ce jour.

Edward Steichen :  1879 (Luxembourg) – 1973 (US)

Éducation en Europe, influencé par les peintres d’avant-garde européens

1900  Rencontre avec Alfred Stieglitz (relation marquante et durable). Il a alors 21 ans et Stieglitz en a 36.

1902  AS définie l’idée du ‘Camera Work’, dont  ES en était le plus fréquent collaborateur

1903 : contributeur le plus fréquent du nouveau magazine Camera Work

1903 Photographie du richissime capitaliste J.P. Morgan

J.P. Morgan

En 1903, Steichen rencontre Morgan pour une brève session photo. La rencontre entre la vision capitaliste et la vision socialiste est un véritable choc des valeurs.

Morgan était alors à son apogée. Comme grand financier, il était en mesure d’influencer des grands pans de l’économie américaine.

Steichen avait a peine 24 ans.

ES a été engagé par le peintre Fedor Encke pour travailler la peinture de Morgan qui ne voulait pas poser pour le peintre. ES demanda à un concierge de poser pour préparer l’éclairage. La session avec Morgan dura moins que 3 minutes. ES capta 2 photos seulement, l’une pour le peintre et l’autre, une photo personnelle qui devint l’image connue et incontournable de Morgan, à ce jour. Morgan apprécia le travail rapide et sortit de sa poche cinq billets de $100.

La première photo était sans conséquence et elle fut utilisée par le peintre. La deuxième était particulière car Morgan avait mal réagi aux instructions du photographe, en lui jetant un regard agressif.

La deuxième image devint une sensation. L’expression de Morgan est glaçante : sa moustache forme un froncement de sourcils, ses yeux (que Steichen compare plus tard aux phares d’un train) sortent de l’ombre. Son visage, encadré par un col blanc raide, semble presque désincarné dans l’obscurité, alors que sa chaîne de montres en or laisse entrevoir sa richesse.

De cette image, Steichen dira plus tard, il n’a que légèrement touché le nez de Morgan, qui était gonflé par une maladie de la peau. Pourtant, Steichen a nié avoir conçu l’aspect le plus saisissant de l’image : l’illusion d’une dague, en fait le bras de la chaise, dans la main gauche de Morgan.

Quand Morgan vue la première photo, il commanda 12 impressions. Lorsqu’il les reçus (la 2e photo), il les déchira sur le champ devant  ES.

Plusieurs années plus tard, Morgan offrit 5 000 $ pour le tirage  originale, que Steichen avait donnée à son mentor, Alfred Stieglitz; Stieglitz refusa de le vendre. Steichen accepta de faire quelques tirages pour Morgan, mais tergiversa pendant trois ans, « ma façon plutôt enfantine , ce qui me permit de me venger de Morgan pour avoir déchiré les premières épreuves ».

On a interprété cette photo comme la rencontre conflictuelle entre un socialiste et un capitaliste, baron de la finance et connu pour ses méthodes coupe-gorge pour accumuler sa richesse.

1904 The Pond – Moonrise

Edward Steichen: The Pond—Moonrise

Les couleurs de cette photographie n’ont pas été capturées par la caméra, mais ont été concoctées plus tard par Steichen en chambre noire, où il a également esquissé les roseaux et les herbes au premier plan. Ces marques de la main de l’artiste étaient la façon du jeune photographe de montrer que l’image n’était pas une photographie ordinaire, mais plutôt une œuvre d’art.

C’est en 1904 que Steichen rencontra à New York le photographe plus âgé et plus expérimenté Alfred Stieglitz, alors âgé de 40 ans.

Il se joignit à lui dans une vigoureuse campagne pour établir la photographie comme une forme d’art. Bien qu’ils n’aient d’abord pas réussi à impressionner un large public, ils ont encouragé de nombreux jeunes photographes talentueux à se considérer comme des artistes et ont ainsi initié une riche tradition qui a prospérée pendant plus d’un demi-siècle.

Pour Stieglitz et Steichen, poursuivre le potentiel artistique de la photographie signifiait de rejeter ses fonctions pratiques dans le monde industrialisé moderne. Ils se sont repliés dans un domaine esthétique de raffinement qui vénéraient, par exemple, la pureté de la nature. Pure comme elle était, cependant, la nature qu’ils ont photographiée était rarement sauvage.

1904  AS et ES créent la ‘Little Galleries of the Photo-Secession’ qui allait devenir la gallérie 291

                Exposition de Matisse, Rodin, Cézanne, Picasso

L’art photographique et l’industrie de la mode

Début de la production de photographie de mode, avec l’apparition des demi-teintes de haute qualité pour la reproduction des photographie, ES et le Baron Adolph de Meyer contribuèrent à la promotion de l’imprimé de mode aux États-Unis. Ensemble, ils introduisent un approche artistique, des images floues avec retouches différentes des photo mécaniquement au focus, de type catalogue de l’époque

1911 ES devient directeur d’ Art et Décoration, premier magazine de photos de mode

1923 – 1938 Directeur de Vogue années 1920 / 1930 et Vanity Fair années 1920 / 1930 (Condé Nast), remplaçant ainsi le Baron de Meyer, qui avait été recruté par Harper’s Bazaar.

La petite histoire derrière son arrivée chez Vogue

Accès a toutes les vedettes et les grands noms de la société pendant 15 ans

Ses années chez Vogue

1932  photo de Winston Churchill

L’image a été prise en 1932 par Edward Steichen pour publication dans Vanity Fair. La photographie, cependant, n’est jamais été publiée. Elle est restée invisible pendant des décennies jusqu’à ce qu’elle a été récemment découvert avec 2,000 autres photographies dans les archives dans les bureaux de Conde Nast à New York.

En 2014, dans les archives caverneuses profondes du bâtiment Conde Nast de Times Square, deux mille tirages produits par Edward Steichen ont été retrouvées après avoir été cachés pendant plus de quatre-vingts ans.

Grâce à la ténacité de Todd Brandow, un conservateur de photographies, ce dernier  a réussi à obtenir l’accès aux archives de l’édifice Conde Nast ou il a découvert les épreuves de Steichen, dont la photo de Churchill.

« Il y avait une rumeur selon laquelle il y avait des archives dans les bureaux de Condé Nast à New York que personne n’avait jamais vues. Il était difficile d’y accéder, mais quand je s’y suis  finalement parvenu, ils m’ont dit que tout avait été vendu et qu’il ne restait plus rien. Mais l’archiviste a trouvé une série de boîtes avec un total de 2 000 tirages. »

1944 Directeur du film documentaire The Fighting Lady, Collection de photo Road to victory

Effort de guerre, associé à un effort de propagande

1947 – 1961 Directeur du département de photographie du MOMA

Plusieurs se sont opposé à cette nomination, en particulier Ansel Adams en 1946, qui le voyait comme un « anti photo d’art » et un obstacle pour le développement de la créativité en photographie.

En dépit de cette réaction ES avait  choisi quelques années auparavant la photo Moonrise, Hernandez pour être publié pour la première fois dans US Camera Annual en 1943. Grace à cette première publication, l’image a pu être exposé au Museum of Modern Art en 1944 et Adams avait commencé à rejoindre un public plus large.

L’œuvre de sa vie :

                The Family of Man, exposition vue par 9 millions de visiteurs à travers le monde.

Références

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