Edward Steichen, du pictorialisme au modernisme

Les début de la photographie (1850 – 1895 )

Steichen (1879 – 1973) débute sa carrière au moment ou la photographie doit s’imposer comme une forme d’art. L’apparition des photographes produit un bouleversement dans un monde bien en place: les peintres portraitistes dominent le marché et imposent les normes esthétiques.

Au tournant du XXe siècle, il passe plusieurs années en Europe et s’abreuve d’inspirations multiples en peinture et en photographie. Il rencontre de nombreux artistes et visite les musées afin d’étudier les grands maîtres. Cette influence marquante inspirera son oeuvre et sa carrière à son retour aux États Unis.

Steichen a déclaré qu’un photographe sait établir une relation intime entre ce qu’il capture et le sujet de son observation. Si cette relation ne s’établie pas, le photographe n’est qu’ ‘Button Pusher‘, qui capture ce que les autres ont vu. Concernant la création d’un portrait, il a déjà dit qu’il ne représente qu’ ‘un moment de réalité”.

Il a aussi mentionné qu’il ne connait aucune forme d’art ou d’artistes qui n’ont pas répondu à la pression commerciale au cours de leur carrière.

Le passage du pictorialisme au modernisme

La longue carrière de Steichen a pris forme et a évoluée à l’intérieure de deux grandes tendances artistiques. Il a épousé les deux approches et excellé avec une production novatrice. Son influence a été très présente sur l’évolution des valeurs esthétiques du XXe siècle. Il est aujourd’hui une référence incontournable dans l’évolution de l’art photographique.

 

Edward Steichen, Autoportrait, illustrant l’importance qu’il accorde à l’image de la mode.

 

Edward Steichen, Autoportrait, illustrant le type d’équipments utilisés dans un studio du début des années 1930.

Pont de Brooklyn, 1903

Pictorialisme

La photographie, popularisée à partir de 1839, est d’abord définie comme un procédé mécanique et scientifique permettant de capter la réalité visible.

Dès ses débuts, la photographie a été perçue comme une menace aux nombreux peintres portraitistes. La photographie était présentée comme une technique indigne de la production artistique. Les photographes anglais de l’époque victorienne devront dont faire la démonstration de la qualité artistique de leur travail. C’est donc de début de l’ « art de l’image ». La France conservera cette appellation en le nommant ce nouveau mouvement le « pictorialisme ». Le pictorialisme va réellement revendiquer la position artistique du médium et tenter de faire admettre la photographie parmi les Beaux-Arts.

Les artistes pictorialistes souhaitent dépasser la simple imitation mécanique et stricte de la nature pour ériger la photographie en un art autonome et distinct des Beaux-Arts traditionnels. Le peintre Auguste Donnay parle de briser « cette vision du monstre-à-l’œil-méticuleux ».

Parmi les photographes pictorialistes que nous avons déjà discuté l’œuvre, on peut noter Alfred Stieglitz, Edward Curtis, William Notman et Ansel Adams (au début de sa carrière).

A cet égard, Edward Steichen est intéressant car il débute sa carrière durant l’apogé de la période pictorialisme, appuyé par son mentor Alfred Stieglitz (1864 – 1946). Il se démarque avec une oeuvre expceptionelle autant comme pictoriaste que moderniste.

 

Les concepts derrière le pictorialisme

Le pictorialisme souscrit largement à l’idée selon laquelle l’art photographique doit simuler la peinture et l’eau-forte. Il privilégie l’intervention humaine dans la création photographique qui, selon eux, est la seule à conférer une valeur artistique à une création technique et chimique.

Diverses techniques étaient utilisées pour produire ces images : importantes manipulations en chambre noire, filtres spéciaux (dont les soft-focus), traitements inhabituels lors du développement, utilisation de papiers spéciaux. Certains artistes « gravaient » la surface de leur tirage en utilisant de fines rayures. Selon l’encyclopédie Britanica, l’objectif était d’atteindre « une expression artistique personnelle ».

Les pictorialistes s’intéressent plus aux effets esthétiques qu’à l’acte photographique lui-même :
⦁ effets dans le cadrage, la composition et la lumière ;
⦁ procédés à la gomme bichromatée, au charbon, à l’huile ;
⦁ retouches du négatif ou du médium.

The pond – Moonrise, 1904. En 2006, un imprimé original s’est vendu aux enchères pour la somme de $2.9 millions, le prix le plus élevé jamais payé pour une photographie. Seulement 3 copies de cette images existent.

 

Photos publicitaires, circa 1910

 

 

 

Photos publicitaires, circa 1910

 

 

Flatiron, 1904, Pigmentation en plusieurs couches. Image inspiré des impressions japonaisers. très populaires en Europe durant cette période

 

Lady in a doorway by Steichen, 1897, peinture par Eugène Carrière

 

Photographie JP Morgan en 1903. Alors socialiste, Steichen rencontra le capitaliste le plus riche des États Unis.

 

En 1928, alors qu’il est photographe pour Fanity Fair produit cette photographie de Greta Garbo, vedette d’Holywood.

Ses années au magazine Vogue

Entre 1923 et 1938, Steichen est engagé comme directeur photographique chez Vogue et devient photographe de mode. Durant ces années, son influence est très grande sur l’industrie de la mode. Son salaire chez Vogue est de $70,000 par année (près de $1 M en dollars constants).

Il se targue de pouvoir comprendre et interpréter la femme et de l’exprimer en photographie. Aux États Unis, les femmes ont appris comment être élégante en consultant le magazine Vogue. C’est l’époque de la révolution de la machine à coudre: Vogue fait plus de revenu à vendre des patrons de couture pour reproduire les robes que de copies du magazine.

 

Modernisme

Le modernisme est un mouvement philosophique qui, en plus des tendances et changements culturels, résulte en une influence vaste et entraîne de profondes transformations dans la société occidentale à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Parmi les facteurs qui ont façonné le modernisme ont été le développement de la société industrielle moderne et la croissance rapide des villes, suivis par les réactions d’horreur de la Première Guerre mondiale. Le modernisme rejette aussi la certitude de la pensée des Lumières. De nombreux modernistes ont aussi rejeté la croyance religieuse.

Le modernisme, en général, comprend les activités et les créations de ceux qui estimaient que les formes traditionnelles de l’art, architecture, littérature, religion, philosophie, l’organisation sociale, les activités de la vie quotidienne, et même les sciences sociales, ne correspondent plus à la réalité sociale et politique. Le nouveau contexte économique et l’émergence d’un monde pleinement industrialisé amène une nouvelle pensée artistique.

Dans cet optique, l’émergence de l’art abstrait était la base du mouvement en opposition à la culture désormais obsolète du passé. Dans cet esprit, l’émergence de l’art abstrait au 19e siècle était un précurseur au modernisme.

Une caractéristique importante du modernisme est la conscience de soi et de l’ironie concernant les traditions reliées aux œuvres littéraires et les pratiques sociales, qui conduit souvent à des expériences reliées à la forme, avec l’utilisation de techniques et de matériaux utilisés pour la création d’une peinture, de la poésie, ou d’édifices. Le Modernisme a explicitement rejeté l’idéologie de réalisme et fait usage des œuvres du passé par l’emploi de reprise, l’incorporation, réécriture, révision, la récapitulation et de la parodie.

Certains commentateurs définissent le modernisme en tant que mode de pensée, comme la conscience de soi ou d’auto-référence, qui s’exécutent sur toutes les nouveautés dans le domaine des arts et d’autres disciplines. Particulièrement dans l’Ouest, plusieurs considèrent comme une tendance sociale progressiste en affirmant le pouvoir des êtres humains pour créer, améliorer et transformer leur environnement avec l’aide de l’expérimentation pratique, les connaissances scientifiques, ou de la technologie. Dans cette perspective, le modernisme a encouragé le ré-examen de tous les aspects de l’existence, du commerce à la philosophie, dans le but de trouver ce qui pouvait empêcher le progrès, et le remplacer par de nouvelles façons d’atteindre le même but. D’autres se concentrent sur le modernisme comme une esthétique de l’introspection.

George Washington Bridge, New York, 1931 L’optimisme triomphant, une vision moderne des progrès de la société qui est devenu un icone de son époque

 

L’ancien et le moderne: le pont de Brooklin (1903), d’inspiration pictorialiste, et le pont George Washington (1931), un phare de l’inspiration moderniste.

Du modernisme vers le ‘Mainstream’

L’apparition du marché commercial : Élargissement du marché de la photographie, incluant image éditoriale ou de publicité, corporatif, tel rapports annuels, et plusieurs variantes de photographie fonctionnelle.

Steichen a été à l’aval de cette tendance, en étant à la recherche d’un audience plus large.

De la période de paix vers les années de guerre

Fort de son expérience durant la première guerre mondiale, il s’impliqua pour la marine des États-Unis dans une forme ‘embedded’, ce qui lui donne accès aux zones de combat.

 

Road to Victory

1942, Museum of Modern Art
Exposition de propagande, pour le soutien à l’effort de guerre

 

1942, Museum of Modern Art
Exposition de propagande, pour le soutien à l’effort de guerre

 

Directeur du département de photograhie du MoMA

1947 : directeur du département de photographie du MoMA

Durant 15 ans, organise 40 expositions, conçu pour effets spectaculaires

 

The Family of Man, 1955

The Family of Man, son apothéose

En opposition à Road to Victory, on recherche les évidences de solidarité humanitaire et les similarités entres les peuples, Cette grande exposition est organisée sur une base linéaire et circulaire, de la naissance à la mort, de la souffrance, l’injustice, la guerre vers la rédemption. Elle met aussi en valeur l’influence l’organisation des Nations Unis nouvellement crée.

 

Le pictorialisme

Le pictorialisme est le nom donné à un style international et mouvement esthétique qui a dominé la photographie durant la fin du 19e et au début du XXe siècle, bien qu’il était toujours en vogue avec certains photographes jusqu’à la fin des années 1940.  Il n’y a pas de définition standard du terme, mais en général, il se réfère à un style dans lequel le photographe a en quelque sorte manipulé ce qui serait autrement une simple photographie avec l’objectif de « créer » une image plutôt que de simplement l’enregistrer. Typiquement, une photographie picturale apparaît à l’absence d’une mise au point nette (certaines plus que d’autres), est imprimée dans une ou plusieurs autres couleurs que le noir et blanc (allant de brun chaud à bleu foncé) et peuvent avoir des coups de pinceau visibles ou autres manipulations de la surface. Pour un pictorialiste, la photographie, comme une peinture, dessin ou gravure, était une façon de projeter une intention émotive dans le domaine de l’imaginaire du spectateur. C’est une réponse à l’opinion qu’une photographie n’était rien d’autre qu’un simple enregistrement de la réalité, transformé en un mouvement international visant à améliorer la condition de la photographie comme une véritable forme d’art.

L’influence du pictorialisme a diminué graduellement après 1920. Au cours de cette période, le nouveau style de photographique modernisme est apparu et l’intérêt du public s’est déplacée vers des images avec des mises au point précises et une représentation plus près de la réalité.

 

A la manière de

 

Références, Edward Steichen

Edward J. Steichen (1879–1973): The Photo-Secession Years

Edward Steichen: In Vogue, A painter by training, Edward Steichen changed fashion photography forever

The Family of Man, January 24–May 8, 1955, The Museum of Modern Art

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