Photographes documentaires urbains, Exercice d’analyse

Souvent nommés « Photographie de rue », ce type d’images qui documentent le milieu urbain est une source inspirante et abondante pour les photographes.

Nous analysons 4 grands noms de la photographie documentaire urbaine, chacun présentant une vision originale et inspirée :

o Saul Leiter
o Joel Meyerowitz
o Martha Cooper
o Fan Ho

À partir du visionnement de portfolio pour chaque photographe, nous identifions les thèmes qui inspirent les photographes documentaires et comment ils communiquent cette vision. On s’interroge sur l’influence et la valeur historique de la démarche documentaire ainsi que la valeur artistique et créatrice des oeuvres.

Hypothèse: la photographie documentaire

L’hypothèse que nous cherchons à valider est la suivante : l’œil alerte d’un photographe d’expérience est à la recherche d’un contenu et une composition qui reflète sa vision sociale et artistique.

 

L’école de photographie de New York

En Amérique du nord, on réfère à la photographie documentaire urbaine comme « L’école de photographie de New York » . C’est une source d’influence pour un groupe de photographes qui ont vécus et travaillés à New York pendant les années 1930 à 1990. Cette école a partagé un certain nombre d’influences esthétiques, de sujets et un style reconnaissable. Parmi les thèmes récurrents, on retrouve :

• l’humanisme,
• une approche affirmée et déterminée,
• l’utilisation des techniques photo journalistique,
• la vision des film noirs (fatalisme, humour, pessimiste).

Le sujet privilégier des photographes est la ville elle-même.

Les photographes Lewis Hine (sociologue, 1874 – 1940), Walker Evans (journaliste durant la grande dépression, 1903 — 1975) et Henri Cartier-Bresson (1908 – 2004) sont des sources d’inspiration souvent mentionnées comme précurseurs, qui ont refusé l’étiquette de journaliste afin d’assumer leur production de photographie documentaire.

Les photographes connus du mouvement sont :

o Diane Arbus (1923 – 1971)
o Alexey Brodovitch (photographe de mode russe, 1898 – 1971)
o Ted Croner (américain, 1922 – 2005)
o Bruce Davidson (Agence Magnum, 1933 — )
o Don Donaghy (1936 – 2008)
o Louis Faurer (1916 – 2001)
o Robert Frank (1924 — )
o Sid Grossman (Social activist, 1913 – 1955)
o William Klein (1928 — )
o Saul Leiter (1923 – 2013)
o Leon Levinstein (1910 – 1988)
o Helen Levitt (1913 – 2009)
o Lisette Model (1901 – 1983)
o David Vestal (1924 -2013)
o Weegee (1899 – 1966)

Sélection de photos documentaires de l’École de Photographie de New York: Street_Portfolio

L’inspiration sociale première qui anime les photographes du groupe est que l’art en général, et particulièrement l’art photographique, peut être utilisé pour améliorer les conditions de la classe ouvrière, développer une présence locale des bureaux de rédaction d’une grande variété de magazines photo, le développement d’espaces d’exposition, des salles de diffusion de films produits localement.

Portfolio 1 : Saul Leiter (1923 – 2013)

   

Leiter est né à Pittsburgh, Pennsylvanie. Son père était un intellectuel religieux Talmud connu. Saul a étudié pour devenir rabbin. Sa mère lui a donné son premier appareil photo à l’âge de 12 ans. À l’âge de 23 ans, il quitte l’école de théologie et déménage à New York pour devenir un artiste. Il avait un intérêt pour la peinture.

Il utilise un Leica 35 mm. En 1948, il a commencé à prendre des photographies en couleurs. Il s’associe avec d’autres photographes contemporains tels que Robert Frank et Diane Arbus.

Leiter a travaillé comme photographe de mode pendant 20 ans et a été publié dans les magazines Show, Elle, British Vogue, Queen, et Nova. À la fin des années 1950, il a travaillé avec Esquire et plus tard avec le Harper’s Bazaar.

Il a su intégrer sa production artistique de photographie de rue avec sa production d’images de mode, en utilisant les rues de New York comme environnement de création de mode.

Martin Harrison, éditeur du livre de Leiter “Early Color” (2006): “Leiter’s sensibility . . . placed him outside the visceral confrontations with urban anxiety associated with photographers such as Robert Frank or William Klein. Instead, for him the camera provided an alternate way of seeing, of framing events and interpreting reality. He sought out moments of quiet humanity in the Manhattan maelstrom, forging a unique urban pastoral from the most unlikely of circumstances.”

Sélection d’images de rue : Leiter_Portfolio

Sélection d’image publicitaires: Leiter_Advertising

 

Le film « Everybody Street »

 

Le film « Everybody Street » est dans la lignée de l’influence de ce groupe. Produit en 2013 par Cheryl Dunn, le film présente les photographes documentaires newyorkais suivants :

• Boogie,
• Martha Cooper,
• Bruce Davidson,
• Elliott Erwitt,
• Jill Freedman,
• Bruce Gilden,
• Max Kozloff,
• Rebecca Lepkoff,
• Mary Ellen Mark,
• Jeff Mermelstein,
• Joel Meyerowitz,
• Clayton Patterson,
• Ricky Powell,
• Luc Sante,
• Jamel Shabazz.

« Everybody Street » présente des interviews sur le terrain et les travaux de photographes de rue de New York, l’incomparable ville qui a inspiré les photographes depuis des décennies. Capté par la célèbre photographe Cheryl Dunn sur film noir et blanc 16mm film et couleur HD, le film rend hommage à l’esprit de la photographie de rue par le biais d’une exploration cinématographique de la ville de New York. L’œuvre capture le rush viscérale, singulier de la persévérance et parfois un risque associé aux artistes de la rue.

Portfolio 2 : Joel Meyerowitz (1938 — )

Extrait de commentaires tirés du film « Everybody Street » :

Clips to view: 0 – 5:40 min, 44:50 to 45:30 min, 1:20:00 to 1:22:00 min

“ Some photographers go to the streets, and other photographers go to a studio.
Some pretends it is a movie and other photographers walk in to the world and say “show me”.
Those select few who are willing to go to chaos with the high hope to interact with the moment, where life will get clarified for them.

They can welcome ambiguity and surreal aspects of this kind of chaos.
Even thou it is chaos out there, they will have a moment of clarification
There is plenty of people who don’t see it, because they don’t look that way.”

Un peu plus tard, il dira:  “… things appearing out of the ordinary reality, a slice of a moment, a 1/1000 of a second recognition… There is a whole lot of people  who don’t have that kind of belief that the world will present itself that way,  so they don’t see it, because they are not looking  that way”

Joel Meyerowitz est un photographe dont le travail est apparu dans plus de 350 expositions dans des musées et galeries à travers le monde. Il est né à New York en 1938. Il a commencé à photographier en 1962. Comme l’un des premiers partisans de la photographie en couleurs dans le milieu des années 1960, Joel Meyerowitz a joué un rôle déterminant dans l’évolution de l’attitude à l’égard de l’utilisation de la photographie en couleurs, dont la résistance à l’acceptation était quasi universelle.

Son livre « Cape Light » , est considéré comme une œuvre classique de la photographie en couleurs et s’est vendu à plus de 100 000 exemplaires au cours de ses 30 ans de vie. Il est l’auteur de 17 autres livres, dont le livre récemment publié par Aperture, Legacy : la préservation d’espaces naturels dans les parcs de la ville de New York.

Meyerowitz est deux fois récipiendaire du prix du Guggenheim , un récipiendaire à la fois des prix de l’AEN et NEH (National Endowment for the Humanities), ainsi qu’un lauréat de la Deutscher Fotobuchpreis. Son travail est dans la collection du Musée d’Art Moderne de New York (MOMA), le Musée des Beaux-Arts de Boston et bien d’autres.

Début de carrière : Leica, noir et blanc avec passage graduel vers la couleur. Les contraintes imposées par les films couleurs de l’époque le force à prendre des images avec des vitesses lentes et une profondeur de champ réduite. Plus tard, il passe au format 8×10, qui impose une approche plus travaillée et réfléchie.

 

Production avec Leica et film N & B: Meyerowitz_Leica_B&W

Production avec Leica et film couleur: Meyerowitz_Leica_Color

Image de la destruction du Word Trade Center de New York en sept 2011: Meyerowitz_9-11

Production en format 8 x 10: Meyerowitz_8x10_Format

Meyerowits explique sa migration vers le format 8×10

 

Portfolio 3 : Martah Cooper (1943 — )

Martha Cooper est une photojournaliste américain né à Baltimore, Maryland. Elle a travaillé comme photographe pour le New York Post au cours des années 1970. Elle est surtout connue pour la documentation sur la scène graffiti New York des années 1970 et 1980.

Cooper a reçu un diplôme en anthropologie à Oxford. Sa première expérience en photographie artistique a commencé au Japon, ou Cooper s’est rendu pour prendre des photos de tatouages complexes.
Elle a été stagiaire au National Geographic dans les années 1960, et a travaillé comme photographe au New York Post dans les années 1970. Ses photographies ont paru dans le National Geographic, Smithsonian et de l’histoire naturelle des magazines ainsi que plusieurs dizaines de livres et revues.

Elle a commencé sa production personnelle, la scène graffiti New York des années 1970 alors qu’elle travaillait pour New York Post. À la fin de ses assignations, elle a commencé à prendre des photos d’enfants de New York. Un jour, elle a rencontré un jeune garçon nommé Edwin Serrano qui lui a fait connaitre les graffitis autour de son quartier. Serrano lui a expliqué que les graffiti est une forme d’art et que chaque artiste a sa signature propre.

Il l’a présentée au graffitiste “king”, Dondi. Cooper a été la première photographe que Dondi a permis de l’accompagner durant ses marquages, Après cette rencontre, Cooper est devenu fascinée par la sous-culture underground que ces artistes graffitistes avaient créé à New York.

En 1984, Cooper et Henry Chalfant publié un livre de photos de greffiti de New York City « Subway Art ». On y réfère comme la bible de l’art des graffiti. Le livre s’est vendu plus d’un demi-million d’exemplaires.

Collection de photo de graffiti du Subway to New York: Cooper_Subway_Art

 

Perspective ethnographique: Cooper documente comment les gens utilisent l’espace dans un environnement urbain et comment ils survivent (Queens, circa 1970)

 

Murale inspirée de l’oeuvre photographique de Martha Cooper, Wynwood, Miami, 2018

 

Rencontre avec Martha Cooper, qui explique l’inspiration derrière la murale.

 

Martha Cooper en murale, à Wynwood, Miami

Portfolio 4 : Fan Ho (1931 — 2016)

Site officiel de Fan Ho

Le jeune Fan Ho avec sa Rolleiflex K4A. C’est la seule caméra qu’il a utilisé tout au long de sa longue carrière.

Ho Fan est né à Shanghai. Il émigre avec sa famille à Hong Kong en 1949. Au début de la guerre en 1941, ses parents sont coincés à Macao durant plusieurs années. Ho a commencé à photographier à un très jeune âge avec un Brownie que son père avait laissé à la maison, et plus tard avec un Rolleiflex double objectif que son père lui a donné à l’âge de 14 ans.

En grande partie autodidacte, ses photos communiquent une fascination avec la vie urbaine : il explore les ruelles, les taudis, les marchés et des rues. L’essentiel de son travail se compose de photographies candides des vendeurs de rue et d’enfants que de quelques années plus jeune que lui-même. Ho utilisent la même Rolleiflex K4A tout au long de sa carrière.

“… I’ve always believed that any work of art should stem from genuine feelings and understandings … I didn’t work with any sense of purpose. As an artist, I was only looking to express myself. I did it to share my feelings with the audience. I need to be touched emotionally to come up with meaningful works. When the work resonates with the audience, it’s a satisfaction that money can’t buy.”

Ho Fan, 2014 interview with Edmund Lee

Ho a été choisi comme l’un des dix plus grands photographes du monde par la « Photographic Society of America » entre 1958 et 1965.

La photo “Approaching Shadow” est l’un des plus célèbres œuvres de Ho. Il a demandé à une cousine de poser près d’un mur au Queen’s College à Causeway Bay et ajouté une ombre en diagonale en chambre noire pour symboliser que “sa jeunesse disparaîtra” puisque “tout le monde a le même destin”. Un tirage de cette photo a été vendu pour la somme de HK $ 375 000 en 2015.

Carrière de cinéastre

Ho a été un réalisateur de film à Hong Kong acclamé et un acteur.

Il a travaillé avec le studio « Shaw Brothers » en 1961 pour développer sa carrière dans le cinéma. Il a commencé comme assistant de continuité dans le film « The Swallow » (1961) pour devenir un acteur dans plusieurs films. Ho a été acclamé pour sa performance dans son rôle de moine dans l’adaptation de « Journey to the West » par le Studio Shaw Brothers.

Au début des années 1960, il a aussi produit une série de courts métrages indépendants, dont « Big City Little Man », une production qui a remporté des prix internationaux. En 1969, il s’installe à Hong Kong et produit 20 films avec différents studios de Hong Kong et Taiwan.

2 monographies par Fan Ho, publiés aux États Unis: “Hong Kong Yesterday” (2006) et “A Hong Kong Memoir” (2014)

 

Sélection des photos de Fan Ho: Ho_Portfolio

 

Portfolio 5 : Gilbert Duclos

Sur la base de ces observations, nous illustrons la production d’un photographe documentaire québécois : Gilbert Duclos. Nous verrons comment son œuvre s’intègre à l’art de la photographie documentaire du XXe siècle.

 

Comment comprendre l’œuvre de Gilbert Duclos

Duclos a eu l’opportunité de recevoir un soutien financier du Conseil des Arts Canadien pour développer son portfolio d’images documentaires. De 1977 à 2007, Gilbert Duclos a travaillé sur une série de photos intitulée «Cités», dont le thème est l’humain dans l’environnement urbain. S’inspirant de la tradition humaniste de la photographie documentaire, ses images nous entraînent dans les rues de grandes villes occidentales dans un voyage résolument urbain. Prises au hasard de ses rencontres, les photos en noir et blanc, toutes verticales, reflètent sa curiosité et parfois son étonnement vis-à-vis de ses contemporains.

Aujourd’hui le portfolio de Gilbert Duclos compte une impressionnante galerie de personnes saisies sur le vif à Montréal, Paris, New York et Berlin etc, et se révèle être un témoignage personnel et singulier de l’humain dans la ville.

 

La photographie de rue et l’éthique du photographe

Par Jamie Windsor
Publié le 22 novembre 2018 sur YouTube

Why you SHOULDN’T do STREET PHOTOGRAPHY. // Are you a street shooter? Street photography is important. But I think there are some times when you shouldn’t do street photography. Do you agree? Disagree? Let me know in the comments.

Plusieurs de ses références visuelles sont tirées du film « Everybody Street »

 

Bruce Gilden (illustration d’un photographe de rue agressif)

Plage d’écoute du Clip:  53:00 — 58:40, avant l’écoute du vidéo de Windsor

 

Réferences:

12 Lessons Joel Meyerowitz Has Taught Me About Street Photography

Joel Meyerowitz on the key to street photography
Sydney Morning Herald, Aug 2015

Meyerowitz emphasises the importance of photographing the “unspoken, tacit, impending” relationship between disparate things. He believes that it is important to be able to see the context which you are taking your frame from, while you are photographing. “When you put the frame up to your eye, the world continues outside the frame … you might actually use that as dramatic or unseen content. It leaves certain things ambiguous or unspoken, but impinging upon.” He believes that the key to the success of his images has been in realising the relationships between elements.

YouTube Clip

Joel Meyerowitz Color Work, 1970-1980, Changing Time

Meyerowits explique sa migration vers le format 8×10

Martha Cooper, Train Graffities

Gritty and Graffitied: Street art with photographer Martha Cooper

The photographer who introduced graffiti to the world

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