La vision anthropologique au XIXe siècle: Edward Curtis et Frank Rinehart

Photographie anthropologique du XIXe siècle

Deux grands noms de la photographie anthropologique ont documenté l’histoire amérindienne: Frank Albert Rinehart (1861 – 1928) et Edward Curtis (1868 – 1952). Chacun à leur façon, ils ont créé une large collection d’images d’une qualité exceptionnelle qui nous permettent aujourd’hui de mieux apprécier l’histoire amérindienne en Amérique du Nord.

Rinehart a eu l’occasion de photographier de nombreux chefs amérindiens en 1898 lors d’un grand congrès amérindien qui s’est tenu à Omaha. Par la suite, durant 2 ans, il a visité les tribus amérindiennes pour compléter son travail.  La collection de photographies de Rinehart est conservée à la Haskell Indian Nations University

Curtis est l’initiateur d’un projet photographie d’une ampleur inégalée pour documenter les Amérindiens auquel le musée Smithsonian fait référence comme l’une des plus grandes entreprises de publication de tous les temps. Photographe et ethnologue de la fin du 19e siècle, son travail anthropologique s’est concentré à documenter la présence des peuples amérindiens de l’Ouest américains. Il a laissé un inventaire photographique unique longtemps contesté, dont il a perdu les droits d’auteurs.


Orlando Scott Goff (1843 – 1907)

C’est dans son Connecticut natal qu’il a appris le métier de photographe. En 1868, il s’installe au Wisconsin. Il engagea comme apprenti, son futur associé, David Francis Barry. En 1871, il s’installe au Dakota où il fonde un studio et une galerie photographiques. En 1875, il accepta le poste de photographe au fort Abraham Lincoln, tandis que le lieutenant-colonel George Armstrong Custer et plusieurs unités du 7e Régiment de cavalerie y étaient stationnés.

Goff a pris les dernières photos de Custer et de ses officiers et de ses hommes avant leur engagement à la bataille du Petit Bighorn contre les Sioux, Cheyenne et Arapaho alliés de Sitting Bull. Goff est retourné à Bismarck pour s’occuper de son studio. En 1881, il prit la photo de Sitting Bull de la bande Hunkpapa du peuple Lakota. Il voyageait souvent dans des voyages à l’extérieur de son atelier, capturant des images des Amérindiens à travers les Plaines.


David Francis Barry (1854 – 1934)

En 1871, Orlando Scott Goff s’installe dans le territoire du Dakota. C’est là qu’il rencontre Goff, pour lequel il travaille comme apprenti. Au fil du temps, leur amitié se développe ; Goff et Barry deviennent partenaires d’affaires.

Entre 1878 et 1883, avec l’utilisation d’un studio photographique portable, Barry voyagea à travers les plaines, à Fort Buford et Fort Yates dans les Dakotas et Fort Assiniboine dans le Montana en prenant des photos.

Barry s’est fait un nom en photographiant des notables de Lakota tels que Sitting Bull, Rain-in-the-Face, Gall (Phizi), John Grass et d’autres. Le peuple Lakota le surnommerait “Little Shadow Catcher”. Barry retourna en 1890 au Wisconsin où il exploita une galerie prospère dans la ville de Superior jusqu’à sa mort en 1934.

 

 


Frank Albert Rinehart (1861 — 1928)

Frank Albert Rinehart (d’origine germanique, né dans l’Illinois, 1861 – 1928) est un artiste américain célèbre pour ses clichés  de chefs de tribus et de scènes amérindiennes. Rinehart développe ses connaissances photographiques avec le photographe Charles Bohm, à Denver. En 1881, il forme un partenariat avec le célèbre photographe William Henry Jackson, de renommée mondiale pour ses images de l’Ouest américain. En 1885, s’installent à Ohama, dans le Nebraska, ou il démarre son propre studio photographique.

Il recoit le contrat de faire des portraits des Amérindiens participant au Congrès Indien de 1898 à Omaha. Il s’agissait alors du plus grand rassemblement de tribus amérindiennes, réunissant plus de 500 membres appartenant à 35 tribus différentes. Le chef des Apaches, Geronimo, qui était encore à l’époque prisonnier de guerre, était parmi les participants. Avec son assistant Adolph Muhr, ils produisent ce qui est maintenant considéré comme une des meilleures documentations photographiques des dirigeants indiens au tournant du siècle.

 

Rinehart a fait ce que ses contemporains n’ont jamais jugé utile: il offre à ces chefs et aux membres des tribus une chance d’afficher leur dignité et leur individualité. La beauté dramatique de ses portraits est particulièrement impressionnante. Au lieu d’être des enregistrements ethnographiques froids, les photographies de Rinehart sont des portraits d’individus mettant l’accent sur la force d’expression de ses sujets.

Photographiés en studio, Rinehart a capté ses sujets avec un appareil photo utilisant des négatifs sur verre de format 8 x 10 et un objectif allemand. La gamme de tons nuancés et la grande qualité de ses tirages suggère l’utilisation du procédé d’impression utilisant le platine, qui offrait à l’époque le meilleur type d’impression des clichés de toutes les méthodes de développement chimique.

La plupart des photographies des Amérindiens du 19ème siècle étaient des instantanés extérieurs, captés dans le but de classer et enregistrer les membres de différentes tribus. Il est largement admis que les travaux de Rinehart et de son assistant Adolph Muhr ont eu un impact significatif sur la manière dont les Amérindiens ont été décrits dans les décennies qui suivirent, alors même que leurs terres et leurs droits étaient bafoués. Chaque photo est accompagnée du nom du sujet, ce qui renforce sa place dans la mémoire collective de la conscience américaine.

Après le Congrès amérindien, Rinehart et Muhr ont parcouru les réserves amérindiennes pendant deux ans, rencontrant les chefs américains qui n’évaient pas été présents, tout en illustrant la vie quotidienne et la culture autochtones de l’ouest des États-Unis.

Les portraits spectaculaires de Rinehart nous rappellent le traitement cruel et injuste des populations amérindiennes des États-Unis.

La collection de photographies amérindiennes de Rinehart est conservée à la Haskell Indian Nations University. Depuis 1994, la collection est organisée, conservée, copiée et cataloguée dans une base de données informatique, financée par le Bureau of Indian Affairs et la Hallmark Foundation. Elle comprend des images de l’exposition de 1898, de la grande exposition américaine de 1899, des portraits de studio de 1900 et des photographies de Rinehart prises à la Crow Agency dans le Montana également en 1900.

Références visuelles

The Photography of Frank A. Rinehart  Huckberry
A une épque marquée par l’opression, le photographe Frank Albert Rinehart a su illustrer la digniét et l’individualité des tribus amérindiennes.

Collection de la bibliothèque publique de Boston sur Flickr

Album Flickr de 119 photos, avec documentation historique, sous licence CC (Common Creative)

Collection WikiMedia Commons

Collection de 98 photos, avec documentation, sous licence CC

 

Impression platine

Les impressions utilisant le platine, également appelées platinotypes, sont des épreuves photographiques réalisées selon un procédé d’impression monochrome utilisant du platine. Les tons des platinotypes vont du noir chaud au brun rougeâtre, en passant par les gris demi-ton étendus impossibles à obtenir avec un tirage argentique.

Contrairement au procédé d’impression utilisant l’oxyde d’argent, le platine repose sur la surface du papier, tandis que l’oxyde d’argent se trouve dans une émulsion de gélatine ou d’albumine qui recouvre le papier. En conséquence, sans l’utilisation d’une émulsion de gélatine, l’image finale du platinotype est absolument mate avec un dépôt de platine (et / ou de palladium, son élément jumeau qui est également utilisé dans la plupart des épreuves de platine) légèrement absorbé dans le papier.

Les tirages platinotypes sont plus durables que les autres procédés photographiques. Les métaux du groupe du platine sont chimiquement très stables.

Certaines des caractéristiques avantageuses d’une épreuve platinotype incluent:

  • La qualité de réflexion du tirage est plus diffuse par nature que les impressions sur papier glacé qui présentent généralement des réflexions spéculaires;
  • Une gamme de tons très nuancés et élargie;
  • L’absence d’un enduit de gélatine prévient la tendance des clichés de gondoler;
  • Les tons les plus sombres des tirages sont plus détaillés et clairs que les impressions à base d’argent (plus de détail dans les zones sombres).

 

Edward Sheriff  Curtis (1868 – 1952)

Edward Curtis, 1868  –  1952
Photographe et ethnologue

A 17 ans, il devient apprenti photographe à St-Paul, Minnesota. Deux ans plus tard, sa famille déménage à Seattle et il devient partenaire dans un studio de photo.

En 1895, Curtis rencontre dans son studio la princesse Angeline (1820 – 1896), la fille du grand chef Sealth of Seattle, ce qui lui permet de produire son premier portrait d’un Amérindien.

Princesse Angeline

En 1898, 3 images sont choisies pour une exposition de la National Photographic Society (incluant 2 photos de la princesse Angeline). Il remporte le grand prix de l’exposition.

En 1898, Curtis rencontre des scientifiques durant une expédition sur le Mont Rainier, des experts de la culture amérindienne On l’engage comme photographe officiel pour l’expédition Harriman d’Alaska en 1899.

En 1906, JP Morgan offre un soutien de $75,000 (équivalent à $2 millions de dollars 2018) pour produire une série d’images d’Amérindiens, afin de produire une collection de 20 volumes pour un total de 1,500 photos. Le fond est versé sur une période de 5 ans et ne doit supporter que le travail de terrain, excluant son salaire.

Avec ces fonds, il engage une équipe, incluant l’anthropologue Frederic Webb Hodger, du Smithsonian Museum.

Au total, 222 séries ont été publiées. Curtis est le photographe attitré, mais documente le style de vie en mode de disparition, et écrit les introductions des livres. Il produit aussi 10,000 rouleaux de cire pour enregistrer les langues et musiques des peuples en voie de disparition. Il a produit un total de 40,000 photos provenant de 80 tribus différentes.

Il a décrit les pratiques tribales, leur histoire, leur nourriture, habitation, habillement, cérémonies, jeux et pratiques funéraires. Il a écrit des biographies des chefs de tribu.

Avec l’émergence des techniques cinématographique, il a produit des films illustrant la vie les tribus. Ce matériel abondant est souvent resté unique.

En 1935, la succession Morgan vend les droits de tout le matériel non publié de Curtis pour un total de $1,000 plus redevances. Cette vente inclut 19 collections d’images, des milliers d’impressions papier, les plaques de cuivre et les négatifs originaux. La majorité du matériel demeura intouché et redécouvert en 1972 dans un sous-sol d’une maison de Boston.

Il meurt dans l’ignorance générale en 1952. Avec la redécouverte de son oeuvre, l’intérêt pour son travail renaît. Plusieurs expositions d’importance et anthologies des Amérindiens sont produites, en harmonie avec l’éveil des cultures amérindiennes.

 

L’authenticité du travail de Curtis a été fortement contesté. Il avait la fâcheuse habitude, pour des raisons artistiques, d’améliorer la composition de ses photographies: enlever des objets en post-traitement, utiliser des vêtements anachroniques, faire des mise en scène non conforme à la réalité amérindienne. Conséquemment, l’ensemble de l’oeuvre s’est trouvée mis en doute et a été discréditée.

Curtis est un malheureux exemple d’une mauvaise gestion des droits d’auteurs. Avec ses ententes de soutien, il a perdu les droits de distribution de son oeuvre. Malgré de nombreuses années passées à accumuler un matériel abondant et original, il a été incapable d’assurer un revenu pour subvenir à ses besoins. Il est mort dans l’oubli total.

 

Références visuelles

Collection Flickr du musée MOPA (Musée des arts photographiques), 123 images

Collection Flickr du musée McCord, un projet démesuré, 30 images

Collection Flickr du musée Smithsonian, 22 images
Collection Wikimedia
Collection Flickr privée

 

Type d’équipement utilisé à la fin du XIXe siècle

Caméra 8 X 10, utilisant des plaques de verre sensible pour capter l’image. C’est le type d’éqipement que Rinehart er Curtis utilisaient en studio et sur le terrain, qui permettait d’obtenir des images précises et de haute résolution.

Références

Gallerie Edward Curtis

Musé Smithsonian   Le projet épique d’Edward Curtis de photographier les amérindiens

Northwestern Unversity  Projet Curtis

PBS  Le capteur d’ombres

Musé de Portland   L’héritage d’Edward Curtis

3 Comments
  • […] Edward Curtis […]

  • Joseph Fuller

    5 mars 2023 at 1:35 Répondre

    “Type d’équipement utilisé à la fin du XIXe siècle”

    Mais c’est pas du tout une caméra du type comme vous la montrez sur la photo en dessous du titre. Cette caméra de la marque “Chamonix” est la version la plus moderne quiexiste et date des années 2018/2020.

    Les caméras utilisant des plaques de verre ne sont pas du tout pareilles et ils sont surtout beacoup plus grand et lourdes!

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