La compréhension du portrait selon Leonardo
La capacité d’observation d’un photographe est certainement une qualité essentielle au développement de son art. D’ailleurs, tous les artistes visuels cherchent à maîtriser cette compétence. Leonardo da Vinci a su développer ces habiletés à un niveau rarement égalé. A ce jour, ses observations en mathématique, en optique, en perspective, en comportement de la lumière et en anatomie demeurent des références encore citées aujourd’hui. Ces observations l’on guidé dans la production de ses portraits célèbres et peuvent aider les photographes à comprendre par exemple l’effet de la lumière sur un visage et les phénomènes de distorsion associés à la distance. L’étude de ses peintures permet à un photographe comprendre comment la lumière sculpte un visage.
Quelques date de référence
Naissance de Leonardo da Vinci: 1452, en Toscane, dans la République de Florence. Un homme de la Renaissance, au génie universel et aux intérêts multiples
Se relocalise à Milan, en 1482, à l’age 30 ans, jusqu’en 1499. Ses plus grandes contributions seront sous l’égide des Medeci.
La compétition se révèle, un autre géni de la Renaissance: Micheangelo (1475 à Florence – 1564), de 13 ans le cadet de Leonardo, avec une notoriété forte auprès des Medici.
En 1516, à l’age de 64 ans, il s’installe en France grâce au soutien du roi de France.
Fin de vie: 1519, à l’age de 67 ans
L’importance de la peinture pour Leonardo
Avec son essai Paragone, Leonardo s’engage à démontrer que la peinture n’est pas un art mécanique, mais la plus grande expression des arts libéraux, qui transcende la poésie, la musique et la sculpture.
Son argument est que la vraie créativité exige d’allier observation et imagination en brouillant la frontière entre réalité et fantaisie. Selon Leonardo, un grand peintre incarne ces deux aspects.
Dans son discourt, il admet être un “un homme sans lettres”, donc incapable de lire les grands classiques, ce qui ne l’empêche pas d’accomplir quelque chose de plus superbe encore: lire la nature.
Il note la supériorité de la peinture sur la sculpture. Le peintre doit pouvoir décrire la lumière, l’ombre et la couleur.
Le peintre doit faire appel à l’intellect et à l’imagination.
Portrait de Ginevra de Benci
Analyse artistique
Œuvre de jeunesse, premier tableau profane de Léonardo da Vinci
Démontre déjà l’intérêt de Leonardo pour la recherche scientifique et sa capacité de tirer profit son sens de l’observation très aiguisé.
Jeune femme mélancolique au visage lunaire devant un genévrier épineux à l’arrière-plan, absente, comme en transe. Son expression est en ligne avec le paysage onirique de l’arrière-plan.
Au premier regard, apathique et peu engageant
Éléments distinctifs et touches typiques de Leonardo:
Boucles de cheveux denses et lustrés
Pose trois quarts peu conventionnelle (profil est plus fréquent)
Sans bijou, robe brune modeste
Rivière sinueuse qui s’écoule à l’arrière-plan à partir de montagnes brumeuses et semble connecter au corps et à l’âme du sujet.
Analyse technique
Tableau travaillé en fines couches de peinture à l’huile délicatement mélangées et estompées pour créer des ombres vaporeuses et adoucir les lignes nettes et les transitions abruptes.
Les traits les plus saisissants du portrait sont les yeux du sujet. Ses paupières sont soigneusement modelées, ce qui donne un aspect tridimensionnel ainsi qu’une lourdeur qui s’ajoute à l’allure morne de la jeune femme.
Son regard parait distant, indifférent, comme si elle nous regarde sans nous voir.
Son œil droit semble se perdre dans le lointain.
A première vue, son regard est détourné, baissé et fixé vers la droite. Mais si on regarde bien les 2 yeux séparément, ils apparaissent comme fixés sur l’observateur.
Les yeux de Ginevra ont une qualité liquide et brillante, rendu par Leonard grâce à l’usage de la peinture à l’huile.
Fichier haute-résolution du ‘Google Art Project’
Du côté droit de chaque pupille se trouve une petite tache lumineuse correspondant à l’éclat du soleil venant de l’avant droit du tableau. On retrouve le même éclair dans les boucles de cheveux de Ginevra.
Cette lueur parfaite, l’étincelle blanche provoquée par le contact de la lumière sur une surface lisse et brillante, et une autre marque de fabrique de Léonardo. C’est un phénomène que nous voyons chaque jour mais auxquels nous ne prêtons pas souvent attention.
Au contraire de la lumière réfléchie par un objet qui partage la couleur de l’objet, un éclat lumineux est toujours blanc précise Leonardo et il se déplace selon la position de l’observateur.
Regardons la manière dont les boucles de Ginevra brillent, puis imaginons-nous marchant aux côtés de la jeune femme. Leonardo le sait, les éclats changes et apparaissent en de nombreux points sur la surface, selon les différentes positions occupées par l’œil.
Profondeur de champ
Leonardo a longuement réfléchi à la manière de reproduire l’effet de profondeur dans un tableau. Il avait noté comment les détails s’estompent avec la distance et la couleur bleuté apparaît. Il avait conclu avec raison que cet effet était dû à l’humidité dans l’air. C’est ainsi qu’il représente l’effet de profondeur.
Analyse historique
Fille d’un riche banquier florentin
Âgée de 16 ans et mariée à un veuf de 32 ans
Malade et entre les mains des médecins depuis longtemps, ce qui pourrait expliquer la pâleur troublante de son teint.
Analyse psychologique
Une fois que nous interagissons assez longtemps avec le portrait de Ginevra, ce qui apparaît au premier abord comme un visage sans expression caractérisée par un regard lointain commence à se teinter d’une émotion obsédante.
Ginevra semble pensive et songeuse, peut-être absorbé par son mariage, par le départ de Bimbo ou par un mystère plus profond. Sa vie est morose. Malade elle n’aura jamais d’enfant. Mais son portrait révèle une intensité intime.
Dans ce tableau léonardo peint un portrait psychologique et traduit les émotions cachées.
Ce type de peinture deviendra l’une de ses innovations artistiques des plus importantes. Le portrait de Ginevra le lance sur une trajectoire qui atteindra son sommet 30 ans plus tard avec le grand portrait psychologique de l’histoire : la Joconde.
L’eau s’écoulant depuis le paysage lointain qui semble connecter à l’âme du sujet symbolisa dans la Joconde la métamorphose ultime de la connexion entre les forces de la nature et celle de l’humain génie. Ginevra n’est pas la Joconde, loin de là, mais elle est bel et bien marquée par l’empreinte de celui qui peindra un jour Mona Lisa.
Portrait de Cecilia Gallerani
Fichier haute-résolution du ‘Google Art Project’
Peint à l’huile sur un panneau de noyer, le portrait de Cécilia désormais connu comme la dame à l’hermine, si original, si chargé en émotions et si vivant qu’il révolutionne l’art du portrait.
On la considère aujourd’hui comme la première peinture à introduire dans l’art européen l’idée qu’un portrait plus exprimer les pensées de son sujet à travers sa posture et ses gestes.
Cecilia n’est pas représentée de profil comme le veut la tradition à l’époque mais de trois-quarts. Son corps est tourné vers la gauche du tableau mais sa tête est nettement orientée vers la droite comme si son attention avait soudainement été attiré par quelque chose ou par quelqu’un se dirigeant vers elle depuis la source lumineuse du portrait. L’hermine qu’elle tient dans ses bras semble également en alerte, les oreilles dressées.
Très vivants, les deux sujets n’ont pas ce regard inexpressif ou vagues qu’on retrouve dans les portraits de l’époque et notamment dans le portrait féminin précédent de Léonardo de celui de Ginevra.
Il se passe quelque chose dans cette scène. Léonard capture le récit d’un instant impliquant la vie intérieure des sujets et le monde extérieur à la peinture.
Dans l’ensemble composé par les mains, les pattes et les yeux, dans le sourire mystérieux de la jeune femme on distingue les mouvements du corps et de l’âme.
Leonardo est friand de jeux de mots et des références visuelles. L’hermine blanche est le symbole de la pureté. L’hermine préfère la mort à la souillure écrit Léonardo. L’hermine se laissent capturer par le chasseur plutôt que de se réfugier dans un abri où sa pureté risquerait de se souiller. Elle est aussi une référence à Ludovic (fait membre de l’ordre de l’Hermine par le roi de Naples).
Le corps et la tête de l’animal sont positionnées dans une forme de contrapposto typique de la composition de Léonard.
L’hermine, à la fois dynamique et calme, répond à Cecilia : les contorsions de l’une trouvent un écho dans le mouvement de l’autre.
Le poignet de Cecilia et la patte gauche de l’animal sont légèrement courbés dans un signe protecteur.
Leur vitalité commune donne l’impression qu’elles ne sont pas simplement les personnages d’une peinture, mais les actrices d’une situation réelle.
Elles semblent impliquées dans une scène avec un troisième intervenant, Ludovic, qui a attiré leur attention.
Les yeux de Cecilia et son sourire discret sont révélateurs. A-t-elle l’air heureuse ?
Le museau de l’animal répond au visage de sa maîtresse. Le talent de Léonardo est tel que l’hermine semble douée d’intelligence.
Les moindres détails sont peaufinés : les jointures et les tendons de la main de Cecilia.
La lumière est douce dans ce portrait; l’ombre sous le nez est subtile.
En ligne avec ses recherches en optique, la luminosité d’un rayon de lumière qui frappe directement un objet est différent d’un autre qui atteint la surface en oblique. C’est ce qu’on voit sur l’épaule gauche et la joue droite de Cecilia.
Les nivaux de luminosité sur le reste des contours du visage sont rendus avec délicatesse et précision, tel que Leonard le décrit dans ses formules de variation proportionnelle de l’intensité lumineuse en fonction des angles d’incidence.
Cette compréhension permet de produire une illusion tridimensionnelle améliorée.
Certains ombres sont adoucis par un éclat réfracté ou secondaire. Par exemple, la tranche inférieure de la main droite de Cecilia reçoit la lumière réfléchie par la fourrure blanche de l’hermine. L’ombre sous sa joue est adoucie par la lumière renvoyée par la poitrine.
Pour comprendre le génie de Léonardo, observez l’endroit ou la tête de l’hermine repose contre la chair tendre de la poitrine de Cecilia. La tête, superbement modelée, est rendue avec une clarté tridimensionnelle remarquable grâce à la lumière frappant le moindre poil du crâne profilé.
La chaire de Cecilia est colorée d’un doux mélange de tons pâles et de rouge. Cette texture contraste avec celle des perles dures qui captent les éclats de la lumière étincelante.
Cecilia semble écouter sans parler : c’est le génie de ce portrait. Il capture l’essence de son esprit en action. Ses émotions semblent lisibles, ou tout le moins déchiffrables, à travers son regard, l’énigme de son sourire et sa façon évocatrice de tenir et de caresser l’hermine. Elle réfléchit, et son visage fourmille d’émotions.
Leonard joue avec nos propres pensées d’une manière jamais vue jusqu’alors.
Analyse historique
Gecilia Gallerini est une beauté de la classe moyenne milanaise
Son père est diplomate et agent financier du duc Ludovic Sforza
Sa mère est la fille d’un professeur de droit réputé.
Ils ne sont pas très fortunés
Les enfants sont cultivés et instruits
Cecilia écrit de la poésie, prononce des oraisons et écrit des lettres en latin
Elle a sept ans à la mort de son père : l’héritage est partagé avec ses 7 frères
A l’age de 10 ans, ses frères lui arrangent une union prometteuse avec Giovanni Stefane Viconti (membre de l’ancienne famille dirigeante de Milan)
Quatre ans plus tard, le contrat est annulé avant que le mariage ne soit célébré car les frères de Cecilia n’ont pas honoré le paiement de sa dot. On précise que l’union n’a pas été consommée.
L’annulation de l’union et l’information relative à la virginité trouvent une autre explication.
Cecilia avait attiré l’attention de Ludovic Sforza, un homme impitoyable, mais de bon gout. Cecilia lui plait pour ses qualités physiques et morales.
En 1489, à l’age de 15 ans, elle laisse la maison familiale et demeure dans des quartiers que lui réserve Ludovic.
L’année suivante, elle lui donne un fils.
Leur relation est problématique, car depuis 1480, Ludovic est promis à Béatrice d’Estre, fille d’Hercule d’Estre, duc de Ferrare.
Ce mariage assure une alliance de premier choix avec une famille noble d’Italie.
Les noces sont prévues en 1490, à être célébrés en grande pompes.
Comment ces peintures se comparent à des portraits photo
La dernière scène
Fichier haute-résolution du ‘Google Art Project’
La perspective dans ce tableau: toutes les lignes de fuite convergent vers la tête de Jésus. La composition de cette scène serait possible en photographie avec l’usage d’un objectif grand-angle.
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